Une opération de nettoyage est en cours jusqu’au 16 août en Algérie pour tenter de débarrasser les plages d’amas d’algues à l’aspect boueux. Trois des quatorze wilayas (régions) côtières, soit au moins une quinzaine de plages algéroises, sont concernées par ces échouages massifs d’une algue venue de très loin.
La Rugulopteryx okamurae, c’est le nom scientifique de cette algue originaire des côtes japonaise, coréenne et chinoise. Comme les sargasses, c’est une algue brune. Elle serait apparue pour la première fois en Méditerranée, en France, dans l’étang de Thau. L’hypothèse régulièrement avancée, y compris par l’Ifremer, c’est qu’elle aurait voyagé avec des huîtres importées du Japon. Depuis sa première observation dans cette lagune en 2002, cette algue s’est ensuite propagée sur les côtes française, espagnole et, depuis 2023, algérienne.
Elle doit sa survie et sa propagation dans ce nouveau milieu à une « combinaison de facteurs », explique Bilel Bensari, enseignant chercheur à l’université Houari Boumediene à Alger. « Premièrement, elle a trouvé l’environnement adéquat. Deuxièmement, elle ne retrouve pas ses prédateurs pour la consommer. Troisièmement, elle a une stratégie de reproduction extraordinaire. Elle a une reproduction asexuée, une reproduction sexuée. Elle peut se reproduire à partir d’un petit fragment. Un petit fragment va donner naissance à un individu complet. »
Cela rend la lutte contre la prolifération de cette algue quasiment impossible. Le chercheur espère que, comme ce fut le cas avec une autre algue auparavant, l’écosystème finira par se rééquilibrer.
Ecosystème étouffé
Le gouvernement algérien assure que cela ne pose pas, pour le moment, de problème pour la santé humaine.
C’est sûr, leur accumulation et l’odeur nauséabonde qui peut s’en dégager quand elles se décomposent ne sont pas très agréables pour les baigneurs. Mais Bilel Bensari s’inquiète surtout de l’impact sur les écosystèmes : « Elle est en train d’étouffer et de coloniser tout l’espace. On a fait une étude préliminaire à Alger. On a comparé sur un endroit la richesse spécifique en algues au niveau d’une plage rocheuse. On retrouvait plus de 40 espèces par endroit. Et depuis l’introduction de cette algue, on est passé à huit espèces ».
Crème ou maillot de foot
Une opération de ramassage est donc en cours. Pour l’instant, les algues récoltées sont vouées à être enfouies. Des recherches sont menées pour tenter de les valoriser, en Algérie et ailleurs.
« Il y a des essais pour essayer d’en faire des engrais, développe Bilel Bensari. Il y a quelques études qui se font un peu partout en Méditerranée pour essayer de tirer bénéfice des molécules bioactives, pour essayer d’en faire des crèmes anti-inflammatoires, ou bien, on essaie aussi de les valoriser comme compléments alimentaires. »
En Espagne, le Bétis Séville a habillé ses footballeurs avec un maillot fabriqué à partir de Rugulopteryx okamurae. Un moyen aussi de sensibiliser le public à la crise écologique provoquée par cette algue en Méditerranée.
M. B.