Les relations se tendent entre l’Espagne et Israël, au lendemain de l’interruption de la Vuelta par des manifestants pro-palestiniens à Madrid. Alors que le gouvernement du socialiste Pedro Sanchez fait part de sa « profonde admiration pour la société civile espagnole qui se mobilise contre l’injustice » à Gaza, celui-ci a aussi annulé un contrat de près de 700 millions d’euros portant sur l’achat de lance-roquettes de conception israélienne.
L’Espagne a été l’un des premiers pays européens à reconnaître l’État de Palestine, en mai 2024. Elle s’est également jointe à l’Afrique du Sud dans sa procédure contre Israël auprès de la Cour internationale de Justice (CIJ) pour « l’application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza ». Des actions politiques et juridique fortes, auxquelles s’ajoutent des déclarations très critiques de Pedro Sanchez envers les Israéliens depuis plusieurs mois.
Mais ce lundi, le gouvernement espagnol a encore franchi un palier dans ses initiatives à l’encontre de l’État hébreu en raison des ravages causés par l’armée israélienne dans la bande de Gaza. Après avoir confirmé un embargo sur tous les contrats d’armement avec Tel Aviv la semaine dernière, Madrid a annulé un contrat de près de 700 millions d’euros portant sur l’acquisition de lance-roquettes israéliens. Attribué à un consortium formé par des entreprises espagnoles, il prévoyait l’achat de 12 exemplaires du système de lance-roquettes de haute mobilité (SILAM) développé à partir du système Puls du groupe israélien Elbit Systems.
Pas de compétition internationale « tant que la barbarie continue » à Gaza
Plus tôt dans la journée de lundi, à la suite des évènements sur le Tour d’Espagne qui s’est achevé la veille, Pedro Sanchez, toujours très critique du gouvernement de Benyamin Netanyahu, a déclaré qu’Israël ne devrait participer à « aucune compétition internationale tant que la barbarie continuerait » à Gaza. À l’appui, le chef du gouvernement espagnol a cité l’exemple de la Russie et de ses sportifs sanctionnés après l’invasion de l’Ukraine.
Des propos qui viennent s’ajouter à ceux du ministre espagnol de la Culture, Ernest Urtasun, qui a déclaré lui, ce lundi toujours, que l’Espagne ne participerait pas à la prochaine édition du concours de l’Eurovision si Israël y prenait part, rappelant au passage que ce boycott était déjà prôné par « l’Irlande, la Slovénie, l’Islande et les Pays-Bas ».
À la suite de l’arrêt de la Vuelta dimanche, le ministre israélien des Affaires étrangères s’était pour sa part exprimé sur le réseau social X. Il y avait affirmé que le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez et son gouvernement étaient « une honte pour l’Espagne ».
L’Espagne, un soutien historique des Palestiniens
Si l’Espagne a multiplié les gestes de soutien aux Palestiniens ces derniers mois, son appui à la cause palestinienne remonte à de nombreuses années déjà. Avant les accords d’Oslo, c’est à Madrid que la solution à deux États a été discutée, lors d’une conférence en 1991. L’Espagne a aussi reconnu l’État de Palestine l’an dernier et depuis plusieurs mois, son Premier ministre multiplie les signes de solidarité envers les Gazaouis victimes, selon lui, d’un « génocide ».
Pedro Sanchez a pour lui le soutien d’un gouvernement de gauche et d’extrême gauche, très critique envers le gouvernement israélien. Son opinion publique est aussi extrêmement mobilisée pour la cause palestinienne.
Historiquement, l’Espagne a des liens forts avec les pays arabes et musulmans. Avec la dictature franquiste, le pays s’est retrouvé isolé et a développé des relations importantes avec le Moyen-Orient. Il aura fallu attendre 1986 pour que Madrid reconnaisse l’État d’Israël, créé en 1948. Mais même après l’établissement de relations diplomatiques avec l’État hébreu, l’Espagne est restée fidèle à sa ligne : le rejet de l’occupation israélienne et le droit du peuple palestinien à son autodétermination.
M. B.