La salle de cinéma TMV, a accueilli dimanche dernier, l’avant-première algérienne du long-métrage égyptien El Sett du grand réalisateur Marwan Hamed, avec la comédienne Mouna Zaki et notre grand Abelkrim Derradji (Krimou), et cela en présence de nombreuses personnalités officielles, culturelles et médiatiques.
La soirée a également été marquée par la présence de Salim Aggar, actuellement chargé du suivi de la réalisation du film sur l’Émir Abdelkader, illustrant le croisement évident entre le débat autour des films biographiques en Égypte et les ambitions cinématographiques algériennes. Étaient aussi présentes Samira Hadj Djilani, directrice de la société de production exécutive du film Ahmed Bey, accompagnée de la journaliste Soraya Bouamama, ainsi que l’écrivain et journaliste Mahieddine Amimour.
Un film qui dresse le portrait de celle que l’on appelait « l’astre de l’Orient ».
Ce bopic inspiré de faits réels, suit Oum Kalthoum depuis qu’elle a cinq ans, jusqu’à son ascension. Un parcours fulgurant parsemé de sombres moments que ce soit dans sa vie privée ou plus largement celle du pays. Le film explore en effet l’impact d’Oum Kalthoum auprès de la société égyptienne, symbole d’une époque de rêves panarabes qui continue à raisonner encore dans la vie actuelle. Le film qui se veut ainsi moderne de par son approche, dresse le portrait d’une femme en avance sur son temps, une artiste engagée, en étant à la fois une icône politique et féministe. Une femme qui a dù faire de nombreux sacrifices pour continuer à chanter et satisfaire son large public qui l’idolâtre. Le début du film donne le « la » à cette histoire. D’abord, un jeune homme qui vient assister à son concert à l’Olympia de Paris, un jeune Algérien, épris d’Oum Kalthoum qui accourt sur scène pour lui baiser les pieds. Interprété par l’attendrissant Abdelkrim Derradji, ce fan bien attachant, voulait juste lui déclarer l’amour qu’il lui voue, lui, ses parents et même toute l’Algérie…Cependant, lorsqu’il se rapproche d’elle, Oum Kalthoum trébuche et tombe…Juste auparavant, Oum Kalthoum est dans sa loge. Au milieu d’un public impatient de la voir, quelques militants arabes scandent des slogans politiques. Le directeur vient voir Oum Kalthoum et lui conseille d’éviter les problèmes en mettant de côté l’aspect politique sur scène, mais elle refuse… le ton est donné. Nous avons à faire à une femme forte, têtue qui n’abdique devant rien et personne. Sur scène, après l’incident, c’est le flash-back. On retrouve « Souma » cinq ans, avec son père qui se fait refouler d’un village…
La jeune Oum Kalthoum, fut tôt déguisée en garçon, par son père, imam qui lui enseignait le chant religieux. Au Caire, où elle ira tenter sa chance, elle révolutionnera plus tard la musique arabe en fusionnant poésie classique, compositions orchestrales et thèmes nationalistes, passant d’une enfance rurale à une renommée mondiale grâce à sa voix puissante, sa détermination sans faille et son charisme infaillible… Notons que le réalisateur a choisi de teinter les sombres moments de la diva, en noir et blanc. Marwen Hamed nous donnera à voir une personnalité très complexe, de façon à ce qu’on s’attache vite à cette femme campée par la grande actrice Mouna Zaki. Oum Kalthoum, ce monstre sacré de la musique arabe est une femme d’affaires, une artiste redoutable, mais au fond une femme fragile, qui aime, tombe malade, se fait cambrioler, qui a peur, pleure devant son miroir en se retrouvant plus belle. C’est surtout une femme solitaire, qui connaîtra plusieurs amours et du chagrin, sans jamais se démonter, malgré les aléas de la vie….Il est difficile de raconter la vie d’une diva pareille sans éviter de tomber dans le trop dit, le fallacieux, l’extravagant ou carrément la fiction.
Le réalisateur réussira en ayant l’audace d’aborder au cinéma l’aspect amoureux de la diva en évoquant ses différents amours et amitié qu’elle a entretenus avec de nombreux hommes, dont le roi Farouk, le grand compositeur Ahmed Rami qui était fou amoureux d’elle, mais dont elle refusera de se marier avec, pour se consacrer entièrement à sa carrière et enfin son médecin, avec lequel elle finira par se marier, plus par convenance sociale, en fin de vie, sachant déjà qu’elle était très malade….Ã mi-chemin entre le parcours d’Edith Piaf et d’une Marylin Monroe, Oum Kalthoum aura connu un vie sans repos, ayant choisi de tout donner pour se rendre utile et servir son pays. Un film qui sans doute ne dit pas tout, ne montre par tout, mais, qui aura réussi le tour de force, malgré ses longueurs mélodramatiques, à dépoussiérer cette icône d’une autre époque en la présentant comme une star atemporelle qu’elle est et la rendre plus humaine comme rarement font les cinéastes arabes au cinéma et c’est déjà un exploit ! Le film qui a fait son avant-première mondiale au festival International de Marrakech, a été projeté la semaine dernière au Red sea international festival de Djeddah. Il a même créé la polémique après les déclarations du réalisateur jugées portant atteintes au sacré. Ce dernier avait confié qu’un film sur le prophète (Qsssl) aurait été plus facile que sur la diva Oum Kalthoum, c’est dire la passion que lui porte son public.
Des images d’archives agrémentent d’ailleurs le film. Celles-ci datent de l’année de sa mort en 1975 dévoilant des funérailles nationales avec des millions de personnes en pleurs, une preuve de son immense popularité, indéfectible, par ailleurs, jusqu’à nos jours. Pour rappel, le réalisateur égyptien Marwan Hamed a débuté sa carrière avec le court métrage primé Lilly. Son premier long métrage, L’Immeuble Yacoubian, avec Adel Imam et Yousra, a reçu de nombreuses récompenses et a été présenté au Festival de Cannes ainsi qu’au festivals internationaux de Berlin, Chicago et Marrakech, entre autres. Parmi ses films suivants figurent Ibrahim Labyad ; The Blue Elephant, qui a remporté neuf prix de la Société égyptienne du Cinéma ainsi que le Grand Prix du Nil au Festival du film africain de Louxor ; The Originals ; Diamond Dust, récompensé par le Grand Prix au Festival du film arabe de Casablanca ; The Blue Elephant 2 ; et Kira & El Gin, qui a obtenu 10 prix de la Société égyptienne du cinéma et trois Joy Awards. El Sett fera sans doute date !
Ce qui a particulièrement marqué lors de la projection algérienne, c’est la dimension symbolique des présents. La ministre de la Culture, Malika Bendouda, a assisté à la projection, sans protocole officiel, aux côtés de plusieurs artistes algériens, dont Samia Meziane et Khaled Benaïssa, ainsi que de journalistes, parmi lesquels Hmida Layachi.
Synthèse Mohammed Bessaïah
INTERFIL ALGERIE Soyez le premier informé