Éric Dupond-Moretti devra bien faire face à un procès pour prise illégale d’intérêts. La Cour de cassation a confirmé ce vendredi 28 juillet 2023 son renvoi devant la Cour de justice de la République, seule juridiction habilitée à poursuivre des membres du gouvernement pour des infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions. Il est reproché au garde des Sceaux d’avoir profité de son statut pour régler ses comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu maille à partir lorsqu’il était avocat.
Éric Dupond-Moretti demandait l’annulation de sa mise en examen pour plusieurs irrégularités. Mais la Cour de cassation ne l’a pas suivi et a validé l’essentiel de la procédure. Elle a juste retiré du dossier des documents saisis lors d’une perquisition au ministère de la Justice. Le garde des Sceaux sera donc jugé par la Cour de justice de la République. Un procès qu’il dit attendre « avec confiance », selon son avocat.
« Je suis d’abord à la tâche, vous l’avez vu et puis je répondrai le moment venu », a pour sa part réagi ce vendredi devant la presse le principal intéressé – qui avait formé sept pourvois contre la procédure et un huitième contre l’arrêt d’octobre ayant prononcé son renvoi en procès – en marge d’une visite au Pontet dans le Vaucluse.
M. Dupond-Moretti est mis en cause dans deux affaires. La première concerne l’enquête administrative qu’il a ordonnée, à peine arrivé au ministère, contre trois magistrats du parquet national financier (PNF). Ils avaient fait éplucher ses factures de téléphone quand il était encore simple avocat, dans l’affaire dites des « écoutes », impliquant Nicolas Sarkozy.
Dans le deuxième dossier, il est reproché à Éric Dupond-Moretti d’avoir lancé des poursuites administratives contre un ancien juge d’instruction qui avait mis en examen l’un de ses clients.
Depuis le début de l’enquête ouverte en 2021, le ministre répète n’avoir fait que « suivre les recommandations de son administration ». Il a toujours bénéficié du soutien d’Emmanuel Macron. Nouvelle preuve de cette confiance, Éric Dupond-Moretti a été maintenu à son poste lors du remaniement de la semaine dernière.
Le garde des Sceaux a également « toute la confiance » de la Première ministre, d’après un communiqué de Matignon publié ce vendredi après-midi. Élisabeth Borne « prend acte de la décision » et rappelle que son ministre est « présumé innocent ». Elle conclut que les procédures judiciaires « se poursuivent en toute indépendance ».
Si la confiance règne, cette situation n’en reste pas moins « inédite » dans l’histoire de la Vᵉ République, aux yeux de l’Union syndicale des magistrats (USM) du Syndicat de la magistrature (SM). L’audience à venir, selon les deux organisations qui avaient porté plainte contre M. Dupond-Moretti le 17 décembre 2020, « décrédibilise le garde des Sceaux et, par ricochet, affaiblit l’institution judiciaire toute entière ».
B. M.