mardi 14 janvier 2025
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« Ils ont tiré à vue » : 274 Palestiniens tués dans le camp de Nousseirat lors de la libération de 4 otages

La joie en Israël. Le deuil à Gaza. Les forces israéliennes ont mené une opération commando ce week-end. Bilan : quatre otages israéliens détenus par le Hamas ont été libérés. Trois hommes et une femme captifs durant 245 jours. Plus de 270 Gazaouis ont été tués lors de cette offensive meurtrière, selon un décompte du Hamas. « L’armée israélienne a commis un nouveau massacre dans la bande de Gaza. Ils tiraient sur tout le monde dans la rue », témoignent des Gazaouis contactés depuis Jérusalem.

Samedi après-midi, des morts et des blessés arrivent par dizaines à l’hôpital al-Aqsa, l’un des rares encore en service dans la bande de Gaza. Dans l’enceinte, Salma, jeune Gazaouie, filme les ambulances, le sang par terre, partout.

« Les blessés et les martyrs arrivent du quartier de Nousseirat, dit-elle. L’armée israélienne y a commis un carnage. Jusqu’à présent, on a compté 230 morts. Regardez ce sang. C’est le sang des martyrs », poursuit-elle.

Sous les yeux de Salma, des drames. Des vies emportées. Un homme dévoile le visage de son défunt. Il lui caresse la joue. Il pleure en silence. Plus loin, la prière du mort s’achève. Le corps est emporté pour la mise en terre. Les proches s’effondrent.

Au même moment, à l’intérieur de l’hôpital, Mahmoud, soignant, voit les blessés défiler. Contacté par téléphone 24h plus tard, il témoigne :

« Plus de 150 personnes blessées lors de cette opération israélienne, ont dû être amputées », raconte-t-il. Les Israéliens ont commis un massacre effroyable. Tout était calme, et en une fraction de seconde, il y a eu des bombardements, puis leurs forces spéciales sont arrivées. Ils ont exécuté des gens. Dans la rue, ils ont tiré à vue. Dès qu’ils apercevaient quelqu’un, ils l’abattaient. Leurs chars tiraient sans arrêt ».

Pour Israël, l’opération est un succès. Quatre otages retrouvent la liberté après huit mois de calvaire. Pour les Palestiniens, 274 personnes au moins ont été tués lors de cette offensive, selon le ministère de la Santé à Gaza. Un seul fautif : « Le Hamas qui a détenu des otages en zone d’habitation », se justifie l’armée israélienne.

Pour MSF, le très grand nombre de victimes s’explique par l’intensité des frappes et la surpopulation du camp de réfugiés

« Le nombre de victimes et le bilan extrêmement lourd, ça s’explique assez facilement parce qu’en fait, c’est une zone qui est densément peuplée et notamment suite aux ordres d’évacuation de Rafah, un million de personnes ont dû se répartir sur le reste de la bande de Gaza, c’est-à-dire le centre essentiellement et notamment le camp de Nusseirat. Beaucoup de personnes ont dû se relocaliser là-bas », explique Guillemette Thomas, coordinatrice médicale de MSF France, jointe à Jérusalem par Jelena Tomic.

« Clairement, c’est une zone qui est extrêmement peuplée par une population civile vivant dans des conditions extrêmement difficiles. Donc, le nombre de victimes ne m’étonne pas vu l’intensité des frappes, en tout cas de ce qu’ont décrit nos collègues qui vivent pour certains dans le camp, d’une violence inouïe et dans une zone qui est extrêmement peuplée. »

« On a reçu entre 60 et 75 patients qui ont tous été orientés vers notre hôpital parce qu’ils présentaient les blessures les plus complexes et plus graves. Beaucoup ont été opérés dans la nuit, certains notamment qui ont été reçus dans notre service seront opérés aujourd’hui pour leurs blessures et sont essentiellement des blessures qui sont graves, qui sont complexes : des fractures des jambes, des bras, des brûlures étendues, des complications vasculaires et qui pour certains vont conduire à des amputations traumatiques, des éviscérations, c’est-à-dire des blessures abdominales extrêmement graves. »

« Ce sont des patients qui arrivent dans des hôpitaux qui ne sont pas en capacité de répondre de façon adéquate. On est en capacité d’accueillir les patients dans les urgences. On a une activité chirurgicale, une activité de chirurgie orthopédique notamment. Vous le savez que depuis des semaines et des semaines maintenant, depuis quasiment début mai, le matériel médical arrive au compte-gouttes dans la bande de Gaza. On a déjà des ruptures dans des médicaments, des médicaments antalgiques et des éléments vraiment basiques au traitement de ces patients-là et ce qui rend en fait la prise en charge de ces patients encore plus compliquée. »

S. B.