dimanche 4 mai 2025
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Le Japonais Riken Yamamoto, lauréat du prix Pritzker 2024, le « prix Nobel » de l’architecture

À l’âge de 78 ans, Riken Yamamoto remporte la plus prestigieuse distinction dans le domaine de l’architecture. L’architecte japonais est surtout considéré pour sa capacité à créer des liens entre les espaces et la société.

Pour les jurés du prix Pritzker, Riken Yamamoto est « un architecte et militant social » doté d’un talent à créer « des sociétés harmonieuses en dépit de la diversité des identités, des économies, des politiques, des infrastructures et des logements ». L’architecte japonais lui-même définit sa philosophie ainsi : « Pour moi, reconnaître un espace, c’est reconnaître une communauté entière. » Yamamoto souhaite délibérément se distinguer des autres : « L’approche architecturale actuelle met l’accent sur la vie privée, niant la nécessité des relations sociales. Cependant, nous pouvons toujours honorer la liberté de chaque individu tout en vivant ensemble dans l’espace architectural en tant que république, en favorisant l’harmonie entre les cultures et les phases de la vie. »

Une architecture entre l’espace privé et l’espace public

Né en 1945 à Pékin, la famille de Riken Yamamoto s’est installée peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale à Yokohama, au Japon. Dans ses souvenirs d’enfance, il pense souvent à la mort de son père, ingénieur, survenu quand Riken avait 5 ans, mais surtout à la maison familiale inspirée d’une machiya japonaise traditionnelle, où la pharmacie de sa mère se trouve à l’avant et l’espace familial à l’arrière. De cette expérience vient probablement son sens inné pour un équilibre poussé entre l’espace privé et l’espace public.

À l’âge de 17 ans, une expérience spirituelle a marqué sa future philosophie et a été probablement décisive pour sa décision d’étudier l’architecture. Lors de la visite du temple Kôfuku-ji, à Nara, il a été confronté avec les cinq éléments bouddhistes : la terre, l’eau, le feu, l’air et l’espace symbolisés par les cinq étages de la pagode. Deux ans après son master en architecture de l’université des arts de Tokyo, il a fondé en 1973 son cabinet, Riken Yamamoto & Field Shop.

Considérer la communauté entière

Pour le jury du prix Pritzker, Yamamoto a « reconsidéré les frontières entre les domaines public et privé comme des opportunités sociétales, s’engageant dans la croyance que tous les espaces peuvent enrichir et servir la considération d’une communauté entière, et pas seulement ceux qui les occupent. C’est dans cet esprit qu’il a commencé à concevoir des résidences unifamiliales qui unissaient les environnements naturels et bâtis, accueillant à la fois les invités et les passants. Son premier projet, la villa Yamakawa (Nagano, Japon 1977), est exposé de tous les côtés et situé dans les bois, conçu pour ressembler entièrement à une terrasse en plein air. Cette expérience a considérablement influencé ses travaux futurs, puisqu’il s’est lancé dans le logement social avec Hotakubo Housing (Kumamoto, Japon 1991), jetant un pont entre les cultures et les générations par le biais d’un mode de vie relationnel. »

Aujourd’hui, Yamamoto continue de travailler et de résider à Yokohama, en communauté avec ses voisins. En revanche, ses œuvres construites se trouvent surtout en Asie, au Japon, en République populaire de Chine, en République de Corée, mais aussi en Europe, par exemple l’extension de l’aéroport de Zurich (2020), en Suisse, où il a mis en relation des bureaux, des services et des restaurants pour connecter à la fois les gens entre eux et à la colline autour, c’est-à-dire imbriquer l’intérieur à l’extérieur et vice versa, à l’image d’un village connecté au monde extérieur. Le jury honore la capacité de Yamamoto à concevoir et à construire ses bâtiments en écho aux changements du monde actuel.

Le musée d’art de Yokosuka

Avant cette ultime récompense du prix Pritzker, Riken Yamamoto a été nommé académicien par l’Académie internationale d’architecture (2013) et a reçu de nombreuses distinctions, dont le prix de l’Institut d’architecture du Japon (1988 et 2002) et le prix de l’Académie des arts du Japon (2001), mais aussi le prix de l’Institut japonais des architectes pour le musée d’art de Yokosuka (2010), qu’il a conçu à la fois comme une destination pour les voyageurs et comme un lieu de repos quotidien pour les habitants.

Le prix Pritzker lui est décerné « en reconnaissance des qualités de talent, de vision et d’engagement qui ont constamment apporté des contributions significatives à l’humanité et à l’environnement bâti par le biais de l’art de l’architecture ». » Pour le jury, Yamamoto a réussi à brouiller dans l’architecture « les frontières entre ses dimensions publiques et privées, et en multipliant les occasions de rencontre spontanée entre les gens, grâce à des stratégies de conception précises et rationnelles ».

S. F.