mardi 9 septembre 2025
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Les « Dames du raï » enflamment le Cabaret Sauvage

À Paris, Les Dames du raï, le nouveau spectacle imaginé par Méziane Azaïche, fondateur du Cabaret sauvage à Paris, rend hommage avec feu aux « chikhates », les pionnières de la musique raï et à leurs héritières. Rappelant combien l’art de ces musiciennes algériennes, très aimées, mais marginalisées de leur vivant, est nécessaire.

Deux minutes à peine. C’est le temps qu’il a fallu pour que les spectateurs du Cabaret sauvage s’élancent sur la piste de danse, irrésistiblement attirés par le son de ce concert raï exceptionnel.

Le raï, un cri du cœur né au début du XXe siècle en pleine Algérie coloniale, chez les Bédouins, dans l’ouest du pays. Un « cri de ralliement et de liberté », explique Rabah Mezouane, qui a écrit ce spectacle, conçu et co-mis en scène par Méziane Azaïche et Géraldine Bénichou. Une musique bédouine dont se sont vite emparées les louangeuses, les « medahates », improvisant sur des rythmes percussifs leurs chansons subversives, aux paroles parfois très crues.

Face aux spectateurs, une formation typique du raï : derbouka (Rabah Khalfa), gasba hypnotisante (Mahfoud Lazizi), claviers (Kenzi Bourras, Acid Arab), percussions (Mohammed Menni) et surtout deux chanteuses algériennes extraordinaires, Cheikha Hadjla et Fella Japonia.

Durant plus de deux heures, parées de robes et de bijoux somptueux, elles raniment la flamme de ces icônes, dont celle de Cheikha Rimitti, la plus célèbre, que l’on surnomme la « djidra », la racine du raï.

Si la joie de danser est au rendez-vous, l’émotion l’est tout autant. Car ces chansons racontent aussi l’Histoire récente de l’Algérie. « Saïda » évoque une femme qui attend que son fiancé, parti combattre en France pendant la Première Guerre mondiale, la retrouve ; mais « le train est cher ». « Ghir el baroud » (« Rien que la poudre des fusils ») exalte la lutte contre l’Occupant, « La Camel » célèbre une usine algérienne du même nom… Cheikha Rimitti, Chebba Fadela, Nedjma, Cheikha Djenia ou encore Cheba Zahounia font entendre leurs chansons, parfois polissonnes et rieuses, à travers les voix de Cheikha Hadjla et Fella Japonia, qui performent avec ferveur et énergie.

Courant musical subversif

Désir, alcool, révolte, liberté. Les chiikhates, « les maîtresses », célébrées dans ce spectacle, se sont emparées, à chaque génération, des tabous de leurs sociétés, « osant dire ‘je’ dans un contexte où l’individu existe peu », nous décrypte Rabah Mezouane.

Au Cabaret Sauvage, nul besoin d’être Algérien ou spécialiste du raï pour avoir ces informations. De part et d’autre de la scène, les vies de ces chanteuses, souvent marginalisées de leur vivant, car perçues comme des femmes « de mauvaise vie », défilent sur deux écrans, accompagnées de photographies, d’archives vidéo, de traduction des paroles, et parfois, entre deux morceaux, de contextualisations audios.

Une immersion qui permet à tous de comprendre comment ce courant musical subversif a déferlé sur l’Algérie, avant de partir à la conquête du monde. Et de rendre leurs lettres de noblesse à ces « Dames du raï », mises à l’honneur avec talent dans une atmosphère chaleureuse.

 

Les Dames du raï : du 5 au 28 septembre 2025 au Cabaret sauvage à Paris 

M. B.