Il est le troisième prix Nobel d’économie français depuis 2014, et certainement le plus influent politiquement. Au cœur de la doctrine économique du premier mandat d’Emmanuel Macron, Philippe Aghion a été récompensé, lundi 13 octobre, aux côtés de Joel Mokyr et Peter Howitt, pour des travaux sur la régulation du capitalisme et l’innovation. L’économiste a réagi en encourageant les pays européens à ne pas laisser la Chine et les États-Unis monopoliser l’innovation technologique.
Philippe Aghion, ancien communiste devenu social-libéral, défend un modèle économique basé sur le « pouvoir de la destruction créatrice », titre de son dernier ouvrage. Ce concept a été forgé par l’économiste américain Joseph Schumpeter dans les années 1940. Il met en avant le rôle des innovations dans la croissance, qui serait stimulée grâce à un renouvellement du système productif. En contrepartie, certaines activités ou modes d’organisation deviendraient automatiquement obsolètes. « L’idée, c’est de dire que la croissance, au long terme, c’est l’innovation. Et pas l’accumulation de capital qui, au bout d’un moment, s’essouffle », avait-il expliqué lors d’un entretien en 2019.
En réaction à son prix, Philippe Aghion a de nouveau appelé l’Europe à ne pas laisser se distancer « par la Chine et les États-Unis » et à ne pas laisser ces deux pays « monopoliser l’innovation technologique ». Invité du journal télévisé de France 2 lundi, quelques heures après son prix Nobel d’Économie, Philippe Aghion s’est aussi exprimé sur la réforme des retraites en France ; il a plaidé pour qu’elle soit « stoppée » jusqu’à la prochaine élection présidentielle 2027.
Soutien de Hollande puis de Macron, il s’est détourné du président français
Professeur au Collège de France et à la London School of Economics, l’économiste de 69 ans a commencé au Parti communiste, par tradition familiale, avant de se recentrer et d’adopter un point de vue social-libéral. Soutien de François Hollande en 2012, il se rapproche d’Emmanuel Macron avant la campagne présidentielle de 2017, après avoir rencontré et été charmé par le futur chef de l’État lors d’une commission sur la réforme économique, à l’orée des années 2010.
Après l’élection d’Emmanuel Macron, Philippe Aghion accompagne les premiers pas du macronisme. Très proche conseiller du président de la République, il le pousse vers l’encouragement de l’innovation, des écosystèmes de la tech, avant de prendre ses distances. Le virage à droite d’Emmanuel Macron ne lui convient pas. Il y a, pour l’économiste, trop d’accroissement des inégalités et trop d’injustice fiscale. Bref, l’abandon de l’utopie d’un capitalisme pouvant être dompté par les États.
Emmanuel Macron n’a pourtant jamais réellement coupé les ponts, relançant ses discussions avec Philippe Aghion et d’autres soutiens de la première heure, comme l’économiste Jean Pisani-Ferry au printemps 2023. Mais le coup de foudre est passé : Philippe Aghion penche désormais plutôt du côté des sociaux-démocrates, comme Raphaël Glucksmann.
Il y a tout juste une semaine, il était toutefois à l’Élysée pour être fait officier de l’ordre national du Mérite des mains d’Emmanuel Macron. Un président de la République qui a salué, après l’annonce de ce Nobel, la « fierté française » et l’ « inspiration mondiale » que représente, selon lui, Philippe Aghion.
M. B.