dimanche 5 octobre 2025
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Reconnaissance de l’État de Palestine : une prise de risque pour la France dans un moment de tensions

Emmanuel Macron s’apprête à prononcer lundi 22 septembre l’un des discours qui marquera sa décennie à l’Élysée. Le président de la République va reconnaître l’État de Palestine lors d’une conférence coprésidée avec l’Arabie saoudite sur la solution à deux États au Proche-Orient, en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies. Une prise de risque pour marquer l’histoire.

Emmanuel Macron a prévu une séquence très symbolique avant de prendre la parole à la tribune de l’ONU. Il rencontrera des membres des sociétés civiles israélienne et palestinienne. Il prononcera ensuite un discours historique : la France reconnaîtra officiellement l’État de Palestine.

Le président français sait que les mots qu’il va prononcer vont marquer une étape majeure pour la France et pour lui. Cette décision de reconnaître officiellement l’État de Palestine, le président l’a mûrie et préparée de longs mois, depuis qu’au retour d’un déplacement en avril à El-Arich en Égypte, en plein blocus israélien de Gaza, il avait annoncé son intention de franchir le pas, heurté par la situation humanitaire des civils palestiniens.

Il s’agissait d’une initiative solitaire, avaient tout de suite pointé ses adversaires. Emmanuel Macron s’est employé à leur donner tort. À New York, il n’arrive pas seul. Une dizaine d’États parmi lesquels des membres du G7 accompagnent la France. C’est cette unité qu’il va mettre en avant : montrer que la communauté internationale, dans sa globalité, pousse pour la solution à deux États pour mettre fin à la guerre à Gaza.

La décision de ce 22 septembre s’inscrit dans un processus initié par la France et l’Arabie Saoudite, écrit Nicolas Falez, un processus qui prévoit la mise à l’écart du Hamas palestinien, son exclusion de toute gouvernance palestinienne à l’avenir. Mais également une préparation du « jour d’après » à Gaza, après le cessez-le-feu et la libération des otages israéliens. Et enfin des élections palestiniennes.

À l’Élysée, on s’enorgueillit du leadership du président français et on rejette les critiques sur une initiative qui va trop vite. Et ce alors que des otages israéliens capturés lors des attaques du 7 octobre 2023 sont encore aux mains du Hamas et qu’Emmanuel Macron avait fait de leur libération l’une des conditions à toute avancée.

Son pari, c’est qu’en reconnaissant maintenant la Palestine, il garde ouvert la voie vers une solution politique à deux États. Dans une fin de quinquennat marquée par sa paralysie sur la scène nationale, Emmanuel Macron tente de montrer qu’il peut encore agir à l’international.

Des critiques en Israël et dans la communauté juive française

La reconnaissance par la France de l’État de Palestine suscite des critiques en Israël et dans la communauté juive française. Avant de s’envoler pour New York, Emmanuel Macron s’est démultiplié pour essayer de justifier sa décision. Pour montrer que son initiative n’est pas que symbolique ni contre-productive, le président français a insisté ces derniers jours. Il a répété que le Hamas serait désarmé et exclu du pouvoir. Ce dimanche, sur la chaine américaine CBS, il a d’ailleurs rajouté une nouvelle condition : pas d’ambassade française en Palestine avant la libération des otages israéliens.

Emmanuel Macron voulait se rendre en Israël avant de reconnaître l’État de Palestine, mais il n’y est pas le bienvenu. Il a donc choisi de s’adresser aux Israéliens en répondant à une interview sur N12, une chaîne de télévision de l’État hébreu. Son objectif : expliquer que sa démarche vise la paix dans la région, avec la solution à deux États, et que les opérations militaires israéliennes contre les civils palestiniens détruisent l’image du pays. Benyamin Netanyahu annonce déjà des représailles, soutenu par son allié américain. C’est « un moment de bascule », prévenait la présidence française avant le discours d’Emmanuel Macron à New-York. Annexion de territoires en Cisjordanie occupée ? Fermeture du consulat général de France à Jérusalem par les autorités israéliennes ? Il faut s’attendre à des secousses politiques et diplomatiques dans les prochains jours.

En France aussi, Emmanuel Macron doit faire face à l’inquiétude de la communauté juive. Dansune lettre ouverte publiée dans Le Figarovendredi, des instances juives et des personnalités ont appelé le président à conditionner la mise en œuvre de la reconnaissance de la Palestine à la libération des otages et au démantèlement du Hamas.

Emmanuel Macron n’a pas eu d’expression publique, mais conscient de cette situation, il a reçu des personnalités juives pour échanger et rassurer. À l’Élysée, on rappelle qu’Emmanuel Macron est le seul dirigeant mondial qui a rendu un hommage national aux victimes des attaques du 7 octobre en Israël, pour montrer qu’il a une position équilibrée. Un message difficile à faire passer dans un climat politique très clivé autour du conflit israélo-palestinien.

« Moi, je suis inquiet de cette reconnaissance parce qu’elle intervient avec une mise au second plan des attendus qu’avait exprimé le président de la République avant cette reconnaissance, c’est-à-dire la libération des otages détenus par le Hamas et le démantèlement du Hamas. » dixit le président de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF).

V. G.