Au Sénégal, le massacre de tirailleurs par l’armée française en 1944 a été « prémédité » et « camouflé » : c’est l’une des conclusions du Livre blanc remis la veille par un comité de chercheurs sénégalais au président Bassirou Diomaye Faye après un an et demi de travail sur les archives disponibles et dont RFI s’est procuré une copie.
Il y a eu une entreprise délibérée de dissimulation et de manipulation de l’information autour du massacre de Thiaroye en 1944. C’est ce qu’on peut lire dans ce Livre blanc et ce qu’a répété vendredi après-midi, le 17 octobre, le président du comité de chercheurs sénégalais, l’historien Mamadou Diouf, au cours d’une conférence de presse. Toutes les archives sur ce drame n’ont pas été rendues accessibles, affirme l’historien. Ce que dément la France.
Ce rapport de 262 pages divisé en quatre chapitres comporte l’affirmation que le massacre de Thiaroye, le 1er décembre 1944 au Sénégal, a été « prémédité » et « camouflé » ; son bilan – 35 morts officiellement – a été largement sous-estimé. Les chercheurs sénégalais évoquent le bilan bien plus « crédible » de 300 à 400 morts, mais ne sont pas en mesure de le confirmer de façon définitive. Les premiers « sondages archéologiques » menés depuis mai au cimetière militaire de Thiaroye n’ont « pas permis de répondre à toutes les questions ».
« Vérifier la présence d’autres corps, en dessous des sépultures exhumées »
Pour l’heure, sept sépultures ont été exhumées, avec 7 squelettes trouvés à l’intérieur. Certains de ces squelettes portent des médailles militaires de l’époque coloniale, deux présentent des traces de balles, un autre a les pieds enchaînés. Une dépouille est dépourvue de crâne, une autre de ses côtes, et toutes confirment une mort violente.
Il faut « les identifier et élucider les causes de décès », peut-on lire dans le rapport avec des prélèvements ADN entre autres. « Un bioanthropologue sénégalais qui a participé à plusieurs fouilles de cimetières militaires en Europe » a été identifié pour faire ce travail, affirme le comité scientifique dans ce Livre blanc.
Dans l’immédiat, les tombes exhumées ont été protégées de la pluie par des coffres, des bâches et du sable. L’équipe de chercheurs sénégalais appelle à approfondir le sondage du cimetière militaire « pour vérifier la présence d’autres corps, en dessous des sépultures exhumées » et à étendre ce sondage au-delà du cimetière pour voir si certains corps n’ont pas été enterrés en pleine terre, sans cercueil.
Ce Livre blanc ce n’est donc qu’une première étape, le président Bassirou Diomaye Faye a d’ailleurs ordonné dès hier la poursuite des fouilles pour continuer la recherche d’un bilan définitif de ce crime colonial.
L.-L. W. in RFI