Dans la nuit du jeudi 25 au vendredi 26 juillet, vers 4 heures du matin, la SNCF a subi une « attaque massive d’ampleur pour paralyser » son réseau de TGV, a indiqué le groupe à l’Agence France-Presse (AFP). À quelques heures de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques à Paris, la circulation des TGV sur les axes Atlantique, Nord et Est est très perturbée aujourd’hui, et pour « tout le week-end », laissant 800 000 voyageurs dans l’expectative. Le parquet de Paris a été saisi de l’enquête, plus de cinquante enquêteurs de la gendarmerie sont mobilisés.
Deux TGV sur trois circuleront sur l’axe Bretagne et Sud Ouest samedi, 80% sur l’axe Nord, le tout avec des retards d’une à deux heures, et le trafic sera normal sur la ligne à grande vitesse Est, a annoncé vendredi la SNCF. « Tous les transports d’équipes et accrédités pour les JO » seront assurés, ajoute-t-elle, précisant qu’« à ce stade, le trafic restera perturbé dimanche sur l’axe Nord et devrait s’améliorer sur l’axe Atlantique pour les retours de week-end ».
« Sur l’axe Est, des réparations ont permis de reprendre une circulation normale sur Metz-Nancy. Au-delà, vers Strasbourg, les TGV circulent avec des retards d’une heure et quelques suppressions », a précisé plus tôt la SNCF. Concernant l’axe Nord, « les TGV circulent avec des retards d’une heure trente à deux heures et quelques suppressions ».
Si à la mi-journée le trafic semblait partiellement reprendre sur l’axe Atlantique qui relie notamment Paris à la Bretagne et au sud-ouest, il restait très perturbé : seul un train sur trois circule. Chacun prend son mal en patience à la gare Montparnasse, dans le sud de Paris.
Plus de cinquante enquêteurs de la gendarmerie mobilisés
La SNCF a été victime d’une « opération de sabotage criminelle ciblée, préparée et coordonnée, avec l’objectif d’un impact important et généralisé à l’ensemble du réseau de TGV », a indiqué le groupe à l’AFP. Des câbles de fibre optique passant dans des caniveaux situés à proximité des voies, et garantissant la transmission d’informations de sécurité pour les conducteurs (feux rouges, aiguillages…), ont été coupés et incendiés à divers endroits du réseau.
Ces retards et annulations sont le fruit d’actes de « sabotage » manifestement coordonnés, rapportait tôt ce vendredi matin à l’AFP une source proche du dossier. Des actes commis de manière « concertée, à l’évidence ». La Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) s’est saisie de l’enquête pour « l’ensemble des dégradations volontaires causées sur des sites SNCF », a annoncé la procureure de la République de Paris. L’enquête est ouverte notamment pour détérioration de bien de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, atteintes à un système de traitement automatisé de données en bande organisée et association de malfaiteurs en vue de commettre ces crimes et délits, a précisé Laure Beccuau dans un communiqué.
Les investigations mobilisent plus de cinquante enquêteurs de la gendarmerie, selon une source proche du dossier. Des prélèvements effectués sur les différents lieux ont été envoyés à l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) pour analyse en urgence, a-t-on ajouté de même source. Pour l’heure, aucune revendication n’a été reçue, selon une autre source proche du dossier.
La Sous-direction antiterroriste a été désignée comme service coordinateur, a précisé le parquet, ajoutant que la Direction générale de la police nationale et la Direction générale de la gendarmerie nationale étaient également saisies.
Trois points stratégiques touchés par des incendies, un acte de malveillance « déjoué »
La SNCF a été victime dans la nuit de « plusieurs actes de malveillance concomitants touchant les LGV (lignes à grande vitesse) Atlantique, Nord et Est », qui affectent la circulation des trains à grande vitesse (TGV), a indiqué le groupe. « Des incendies volontaires » destinés à « endommager les installations » ont touché des postes d’aiguillage à Courtalain, à environ 140 kilomètres au sud-ouest de Paris (LGV Atlantique), Croisilles, à 200 kilomètres au nord de la capitale (LGV Nord) et Pagny-Sur-Moselle, 300 km à l’est (LGV Est), a précisé son PDG, Jean-Pierre Farandou. Les saboteurs « ont soulevé des plaques de différentes façons, avec du matériel quand même, on ne peut pas faire ça à la main, a indiqué à l’AFP le maire de Croisilles (Pas-de-Calais), Gérard Dué. Ils ont ensuite « balancé un liquide inflammable sur les câbles ».
« Un acte de malveillance a en revanche été déjoué » sur la LGV Sud-Est, à Vergigny. Des cheminots qui menaient des opérations d’entretien pendant la nuit ont repéré des personnes et ont prévenu la gendarmerie, les mettant en fuite, a ajouté Jean-Pierre Farandou. « Tous les trains vers Lyon, Alpes, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur circulent normalement », précise la SNCF.
800 000 voyageurs concernés, un train d’athlètes bloqué
Au total, 800 000 voyageurs vont être concernés par ces perturbations, selon le PDG de l’entreprise publique. Selon le ministre des Transports, Patrice Vergriete, « les gens qui sont les plus touchés aujourd’hui, ce sont les 800 000 voyageurs prévus ce week-end, qui doivent rejoindre leurs lieux de vacances. C’est plutôt le grand chassé-croisé des vacances qui est visé plus que les JO spécifiquement. »
Ce sabotage survient à quelques heures de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques 2024 à Paris. Quatre trains transportaient d’ailleurs des athlètes pour la cérémonie d’ouverture. Deux ont pu arriver, un autre a été retardé et « l’équipe circulant dans le dernier va être repositionnée sur un autre train », a indiqué la SNCF.
Outre la cérémonie d’ouverture, doit être organisé le bon acheminement des délégations ce week-end. La Dream Team américaine est concernée : installée à Paris, elle doit se rendre à Lille en TGV pour affronter la Serbie dimanche en ouverture du tournoi masculin de basket. Le tir commence ce week-end à Châteauroux ; les compétitions de voile débutent dimanche à Marseille, des matches de football sont prévus en province…
Le président du Comité international olympique (CIO) Thomas Bach, qui assistait au relais de la flamme au Village olympique, a répété avoir « pleinement confiance dans les autorités françaises ». L’attaque « n’aura pas d’impact sur la cérémonie », a promis la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo.
Plusieurs trains qui relient Paris à Londres (environ 25 %) aussi sont « annulés » vendredi en raison de l’attaque, a indiqué la compagnie Eurostar sur son site internet, précisant que les personnes qui choisiraient de partir verraient leur trajet prolongé « d’environ une heure et demie », car les trains emprunteront les lignes « classiques » plutôt que TGV. Eurostar, qui dessert entre autres Paris, Lille, Bruxelles, Londres et Amsterdam, a été contraint de supprimer un quart de ses trains vendredi, mais aussi samedi et dimanche.
« Tous les clients vont être informés par SMS de la circulation de leurs trains », a précisé le groupe à l’AFP. L’opérateur conseille à « tous les voyageurs de reporter leur voyage et de ne pas se rendre en gare », précisant dans son communiqué que tous les billets sont échangeables et remboursables. La SNCF a promis que les 90 000 enfants qui voyagent ce week-end grâce au programme d’accompagnement de la SNCF seraient prioritaires pour arriver à bon port.
Perturbations « au moins tout le week-end »
Même stratégie de repli à la SNCF : « Nous détournons certains trains sur ligne classique mais nous allons devoir en supprimer un grand nombre », a affirmé l’entreprise publique.
Des équipes de SNCF Réseau « sont déjà sur place pour procéder au diagnostic et débuter les réparations », mais cette « situation devrait durer au moins tout le week-end le temps d’effectuer les réparations », a indiqué le PDG de la SNCF. Les incendies ont visé des canalisations par lesquelles « passent beaucoup de câbles qui servent à la signalisation des postes » et « il faut réparer câble par câble », a-t-il précisé à la presse.
Le modus operandi des irresponsables qui ont attaqué le réseau de ligne à grande vitesse consiste à incendier des passages de câbles. Dans les caniveaux passent de nombreux câbles. Ces câbles commandent des signaux qui sont des informations de sécurité pour les conducteurs.
Gabriel Attal dénonce des « actes de sabotage »
« Nos services de renseignement et nos forces de l’ordre sont mobilisés pour retrouver et punir les auteurs de ces actes criminels », a affirmé en fin de matinée le Premier ministre. Gabriel Attal a déploré sur le réseau X « des actes de sabotage [qui] ont été, de façon préparée et coordonnée, menés sur des installations de la SNCF ». « Les conséquences sur le réseau ferroviaire sont massives et graves », a-t-il souligné, appelant « à la prudence », alors que « l’enquête démarre ».
Le ministre des Transports, Patrice Vergriete, a lui dénoncé un « acte criminel scandaleux » aux « conséquences très lourdes ». « Aujourd’hui, tous les éléments montrent bien que c’est volontaire : la concomitance des heures, des camionnettes retrouvées avec des personnes qui ont fui […], des agents incendiaires retrouvés sur place », a affirmé le ministre.
De son côté, la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castera a condamné ceux qui veulent « saboter » les « Jeux des athlètes qui en rêvent depuis des années et qui se battent pour le Graal de monter sur ces podiums et on va leur saboter ça à eux ! ».
Le site de covoiturage BlablaCar a dit avoir enregistré une augmentation de 150% des réservations pour ce vendredi par rapport au trafic attendu.
M. B.