jeudi 18 avril 2024
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Avec «Stories of Surrender», Bono raconte son autobiographie dans un spectacle inédit

Le chanteur du groupe U2 a publié son autobiographie le 1er novembre et a décidé de saisir l’occasion pour se produire lors d’un spectacle inédit où il raconte son histoire et celle d’un des plus grands groupes de rock du monde. Il s’est produit à Paris, au Grand Rex, ce vendredi 25 novembre, dans une ambiance intimiste bien loin de celle des stades qu’il a l’habitude de remplir.

Pour la promotion de son autobiographie, Bono aurait pu se contenter de faire les choses simplement en faisant le tour des librairies ayant pignon sur rue pour dédicacer le pavé qui raconte sa vie, mais comme souvent au cours des 40 dernières années, le leader de U2 a préféré voir les choses en plus grand.

La sortie de Surrender était visiblement une occasion trop belle de remonter sur scène. Bono a ainsi fait le pari de faire de son autobiographie un spectacle : Stories of Surrender. Un « book tour » de quatorze dates entre l’Amérique du Nord et l’Europe pour lequel l’Irlandais a choisi de privilégier des petites salles. Voir ainsi l’une des plus grandes rockstars de la planète habituée à remplir des stades de dizaines de milliers de places, se produire dans une salle de 2 800 places comme celle du Grand Rex à Paris est une expérience en soi. D’autant plus, qu’une fois n’est pas coutume, Bono monte cette fois-ci sur scène sans ses acolytes de toujours, même si d’emblée, il se veut rassurant : « The Edge, Larry et Adam m’ont donné leur permission », affirme-t-il dans un sourire.

Pendant près de deux heures, le chanteur revient sur les grands moments de sa vie et racontant son histoire, et par extension celle de U2. Avec un certain talent de conteur, il se remémore son adolescence et les répétitions chaotiques de ces quatre petits gars de Dublin que rien ne prédestinait à un succès planétaire. Il revient aussi, et surtout, sur le tournant qu’a marqué la mort de sa mère lorsqu’il avait 14 ans, sa relation complexe avec son père et son histoire d’amour avec sa femme, Alison Stewart, qu’il a rencontrée la même semaine que les autres membres du groupe.

Un « half-man show » au format inédit

Stories of Surrender est ainsi une sorte d’ovni un peu hybride entre un « half-man show », comme le décrit le chanteur complexé par sa taille, une comédie musicale et un concert de rock, le tout accompagné de la violoncelliste Kate Ellis, de la harpiste Gemma Doherty et du producteur de musique Jacknife Lee aux percussions et au clavier. On pourrait craindre que l’attelage ne soit un peu bancal, mais il faut bien admettre que l’Irlandais réussit parfaitement son coup en mélangeant les genres et en faisant preuve d’un talent d’acteur qu’il n’avait jamais exploité jusqu’à un tel niveau.

Tout au long du spectacle, Bono retrace ainsi son parcours en chanson en reprenant des classiques de U2 comme With or Without You, Where the Streets Have no Name ou Beautiful Day, spécialement réarrangés pour l’occasion. Parfois drôle, très souvent émouvant, notamment lorsqu’il évoque ses parents. En particulier, sa mère Iris, et le vide que sa mort a laissé lorsqu’elle s’est effondrée, victime d’une rupture d’anévrisme. « Mon père n’a plus jamais prononcé son nom, confie le chanteur. Je ne suis jamais allé sur sa tombe, elle n’était pas morte, elle avait simplement disparu ».

Car si Paul Hewson, le vrai nom du leader de U2, affirme que son autobiographie est d’abord « une lettre d’amour à sa femme », le spectacle qui la met en scène résonne en tout point comme le témoignage de l’affection contrariée d’un fils pour son père. Stories of Surrender est rythmé par les discussions que se remémore le chanteur avec Bob Hewson au « Sorrento Lounge », l’une des salles du pub où le père et son fils avaient l’habitude de se retrouver. Ce père passionné d’opéra dont le jeune Bono cherche désespérément l’attention. « Bob était un ténor, quelqu’un qui chantait vraiment très bien », précise le chanteur. Un père qui avait cependant bien peu d’égards pour ce fils en pleine ascension vers le panthéon du rock, allant même jusqu’à lui reprocher « d’être un baryton qui se prend pour un ténor ».

Un spectacle en forme d’ultime hommage à son père

Ces conversations récurrentes entre Bob et Paul sont incontestablement les moments les plus forts et les plus poignants du spectacle, mais elles marquent aussi ses limites. Difficile en deux heures de retranscrire la complexité de la relation qui unissait Bob Hewson et son fils, ou d’expliquer pourquoi la mort d’Iris est certainement l’événement sans lequel U2 n’aurait jamais vraiment été ce qu’il est aujourd’hui. Pour comprendre ces subtilités, il vous faudra sans doute lire les plus de 500 pages de Surrender, d’autant que le spectacle est exclusivement joué en anglais et qu’il s’adresse tout de même avant tout aux connaisseurs du groupe irlandais. Certaines allusions du chanteur sont en effet difficiles à saisir pour des non-initiés.

Stories of Surrender n’en reste pas moins une réussite tant par sa mise en scène épurée (une table et quatre chaises, rien de plus) et intimiste que par l’émotion que Bono réussit à transmettre à son public. Un spectacle en forme d’ultime hommage à un père pour qui « rêver, c’était prendre le risque d’être déçu » et qui ne comprenait pas ce « qu’une fille super comme Ali » pouvait bien trouver à son fils. Lors d’une dernière séquence du spectacle où le chanteur est au chevet de son père à l’hôpital sur son lit de mort, la rockstar s’interroge : « Je ne sais pas si je l’ai pardonné et je ne sais pas s’il m’a pardonné non plus », explique-t-il, lui qui pensait avoir plus de temps pour apprendre à connaître son paternel. Le tout, avant de conclure le spectacle en interprétant avec brio un air d’opéra intitulé Torno a Surriento, dernier clin d’œil aux rencontres père/fils du « Sorrento Lounge » de Dublin. Comme pour prouver à Bob, qu’après plus de 40 ans de carrière, le baryton s’est finalement mué en un vrai ténor.

P. F.