lundi 24 mars 2025
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En pleine tempête, Nissan change de conducteur Le Mexicain Ivan Espinosa remplace Makoto Uchida à la tête du constructeur japonais. Un choix qui semble s’être imposé par défaut.

Nissan a un nouveau directeur général. Mardi, au terme d’un conseil d’administration exceptionnel, le troisième constructeur automobile japonais a annoncé la nomination d’Ivan Espinosa en remplacement de Makoto Uchida. Sans donner l’impression qu’une page se tournait malgré la fin de ce « quinquennat », commencé en 2019.

Le départ de Makoto Uchida est tout sauf une surprise. Lui ne faisait pas mystère de sa lassitude au bout de cinq ans au pouvoir. « Je suis à la disposition du conseil d’administration et m’en irai quand ils le décideront », avait-il expliqué sans états d’âme, en substance, lors de sa dernière conférence de presse. Sa position était en tout état de cause fragilisée. L’exercice fiscal japonais, qui sera clôturé fin mars, s’achèvera sur un nouveau recul des ventes, selon les prévisions (révisées trois fois à la baisse cette année) publiées par le constructeur. En cinq ans, elles sont passées de 4,9 millions à environ 3,4 millions de véhicules. Nissan anticipe un minuscule bénéfice d’exploitation, à 120 milliards de yens (744 millions d’euros) pour l’exercice en cours, et un déficit net de 80 milliards. L’ambitieux plan stratégique Arc, que Makoto Uchida avait présenté en mars 2024 pour relancer l’entreprise, est déjà révisé à la baisse et Nissan a annoncé en décembre une baisse de sa capacité de production mondiale de 20 % et 9 000 suppressions d’emplois.

Un improbable partenariat

À cette déconvenue au long cours s’est ajouté l’épisode piteux des négociations avec son concurrent nippon Honda en janvier, en vue d’un improbable parte- nariat, interrompu seulement un mois après avoir été porté par les deux chefs d’entreprise sur les fonts baptismaux. Makoto Uchida avait la tâche ingrate de relancer Nissan après le débarquement fracassant de Carlos Ghosn, arrêté à Tokyo le 19 novembre 2018. Il a bien réussi à faire reculer le constructeur français Renault au capital de Nissan en gelant une partie de sa participation, comme la presse locale et les troupes in- ternes le réclamaient à cor et à cri. Ironie du sort : c’est pour se voir proposer par Honda une fusion dans des termes d’une crudité bien supérieure à ce qu’a jamais envisagé son actionnaire Renault.

Le choix d’Ivan Espinosa pour succéder à Makoto Uchida est plus troublant. Depuis quelques jours, trois noms, tous étrangers, circulaient dans le groupe. Les deux autres, français, dont Jérémie Papin, directeur financier du groupe, et Guillaume Cartier, en charge des marchés européens, auraient décliné la proposition. Le constructeur manque de vocations en interne, effrayées par le chemin douloureux sur lequel Nissan est engagé. Le nom du Mexicain Ivan Espinosa, ingénieur de formation, responsable produits chez le constructeur, semble s’être imposé par défaut et presque contre son gré.

Mardi soir, l’intéressé marchait vers la lumière à reculons. Il paraissait, de tous, le premier surpris par cet honneur, comme un invité qu’on pousse à contrecœur pour prononcer un discours en fin de réunion. « Je viens d’apprendre ma nomination », opposait-il benoîtement aux questions des journalistes, incapable de proposer la moindre orientation stratégique. « J’ai grandi chez Nissan. C’est ici qu’a poussé mon amour pour les voitures, pour l’industrie et évidemment pour Nissan », a-t-il improvisé dans une ambiance pesante avant que Makoto Uchida vienne à son secours : « Ivan connaît la technologie des modèles mieux que moi. Il rendra Nissan plus compétitif sur les marchés. » Il est en tout cas extrêmement jeune, à 46 ans, pour occuper ce poste. L’âge moyen d’un chef d’entreprise parmi celles composant l’indice de référence Nikkei 225 est de 62 ans, selon le consultant Spencer Stuart.

Marges de manœuvre réduites

Ivan Espinosa aura en tout cas un agenda chargé dès le 1er avril. Aux États-Unis, le constructeur doit affronter les herses tarifaires que Donald Trump s’apprête à dresser contre les importations. En Chine, Nissan perd du terrain devant la concurrence intérieure. Son échec avec Honda a encore réduit ses marges de manœuvre et son attractivité pour se trouver un partenaire. Il donne plus que jamais l’impression d’avancer comme un canard sans tête. « Modèles, technologie, image de marque, parts de marché… Qu’est-ce qui va bien chez Nissan ? », se lamente un ancien cadre, amer. Et de poursuivre : « Ivan Espinosa était responsable produits. Or une des erreurs majeures de Nissan est de n’avoir pas développé de véhicule hybride dans sa gamme américaine. Bref, une er- reur… produits. » « C’est un fou du produit, tempère auprès de Reuters Christopher Richter, analyste de l’industrie automobile japonaise chez CLSA. Je pense que c’est un bon signal de donner une plus grande place au produit parce que la marque Nissan s’égare depuis longtemps, au point de ne plus représenter grand-chose. »

M. B.