La Commission européenne a proposé mercredi 17 septembre de taxer davantage les produits israéliens importés dans l’UE, et de sanctionner deux ministres d’extrême droite du gouvernement de Benyamin Netanyahu, a annoncé la cheffe de la diplomatie de l’UE Kaja Kallas. C’est un changement majeur de position que propose l’exécutif européen, choisissant de faire pression sur Israël au sujet de sa campagne meurtrière dans la bande de Gaza. Cette mesure n’a toutefois guère de chance d’être adoptée par les Vingt-Sept, faute d’un soutien suffisant.
La cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas a présenté des mesures visant à faire pression sur Israël. Elle a également préconisé des sanctions individuelles contre plusieurs ministres du gouvernement de Benyamin Netanyahu. Selon une source au sein de l’Union européenne (UE), ces sanctions concerneraient les ministres d’extrême droite Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich, connus pour fartie de la frange la plus radicale du gouvernement israélien, en défendant des thèses suprématistes juives.
Dans sa proposition, la Commission européenne inclut un volet politique : gel des avoirs détenus en Europe et interdiction d’entrée dans l’Union européenne pour Ben-Gvir et Smotrich. Trois colons violents opérant en Cisjordanie ainsi que dix membres du bureau politique du Hamas seraient soumis aux mêmes mesures.
Suspension des droits de douane
Un volet financier est également prévu, avec la suspension du versement de dizaines de millions d’euros de budget européen destinés à des programmes de coopération avec les autorités israéliennes.
Sur le plan commercial, la Commission européenne a également proposé de suspendre les droits de douane préférentiels à 0 % accordés à Israël dans le cadre de son accord d’association avec l’UE en raison de la guerre à Gaza. Une mesure dont la commission attend un impact majeur, car l’Europe est le premier client des exportations israéliennes (32%).
« Je veux être très claire, le but n’est pas de punir Israël. Le but est d’améliorer la situation humanitaire à Gaza », a déclaré Kaja Kallas devant la presse, à Bruxelles. Une décision « à la fois appropriée et proportionnée compte tenu de la crise humanitaire qui sévit actuellement à Gaza », estime Maros Sefcovic, commissaire européen au commerce.
« Nous regrettons d’avoir à prendre cette mesure. Cependant, nous estimons qu’elle est à la fois appropriée et proportionnée compte tenu de la crise humanitaire qui sévit actuellement à Gaza », affirme Maros Sefcovic, commissaire européen au commerce.
Ces propositions doivent désormais être validées à la majorité qualifiée des Vingt-Sept États membres. Mais rien ne garantit qu’elles soient adoptées.
Des doutes sur l’adoption de ces sanctions
Au Parlement européen, le parti des Conservateurs réformistes, très à droite, se dit peu convaincu que des sanctions améliorent la situation humanitaire. En face, les partis de gauche affichent leur satisfaction, mais au centre, certains ont des réserves. Membre du Parti démocratique du Luxembourg, le député européen Charles Goerens siège dans une des familles politiques qui soutiennent Ursula von der Leyen, mais il a des doutes sur l’adoption de ces sanctions.
« Il est facile de promettre des choses qui risquent de ne pas être tenues », déclare Charles Goerens. « Moi, je suis d’accord avec les mesures proposées, les deux ministres méritent d’être sanctionnés, mais je ne suis pas à même de pouvoir garantir à la Commission que ces décisions seront finalement confirmées par le Conseil. Franchement, je trouve que l’Europe, avec son système décisionnel, n’est pas à même de peser sur les affaires du Moyen-Orient. On est dans une situation de faiblesse. Alors je crois que ça ne va pas dépasser le stade de la musculation », juge le député européen.
Par ailleurs, plusieurs capitales qui soutiennent Israël dénoncent les « gesticulations de la commission », en Europe centrale, l’Autriche, la Slovaquie, la Hongrie et la Tchéquie – mais aussi en Bulgarie et surtout en Italie. Ça ne suffit pas à empêcher un vote à la majorité qualifiée qui demande l’approbation de quinze états représentant 55% de la population. Mais il suffirait que l’Allemagne s’abstienne pour tuer dans l’œuf cette proposition.
Comment sont perçues ces propositions de sanctions économiques par le patronat israélien
La proposition européenne est déjà qualifiée par le patronat israélien de « pression politique déguisée ». Israël risque d’être contraint de recourir à une économie isolationniste, avait proclamé Benyamin Netanyahu lundi dernier. Le Premier ministre israélien a été rattrapé par la réalité sous forme de sanctions européennes. Les exportations israéliennes vers l’Union européenne, le premier partenaire commercial d’Israël, ont atteint l’an dernier près de 16 milliards d’euros. 37 % pourraient être affectés par les sanctions.
Pour Ron Tomer, le patron du patronat israélien, c’est une véritable catastrophe. « Le rubicon a été franchi. J’appelle le gouvernement à effectuer un énorme effort diplomatique face à l’Europe pour tenter d’annuler ces décisions. Et essayer de renforcer les exportateurs israéliens en trouvant des marchés alternatifs pour augmenter nos débouchés. »
Les mesures commerciales devraient renchérir de 227 millions d’euros le coût de certaines importations israéliennes. Mais pour Dan Catarivas le président de la Fédération des chambres de commerce binationales en Israël les sanctions pourraient avoir un effet « boule de neige ». « Cela va certainement poser des problèmes de compétitivité pour les produits israéliens, mais cela est surtout aussi un très mauvais signe dans la mesure où il se peut que des partenaires économiques européens réfléchissent à deux fois à continuer ou ne pas des relations commerciales avec Israël », souligne Dan Catarivas.
Pour les industriels israéliens, les dommages auront des répercussions non seulement sur Israël, mais aussi sur ses partenaires européens.
M. B.
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