De plus en plus de télécommandes proposent des touches permettant d’accéder directement aux services de streaming à la demande. De quoi donner des idées à certains autres acteurs.
« C’est la principale demande de ma fille », sourit Dominique, quinquagénaire picard, en pleine recherche d’un nouveau téléviseur pour la chambre de sa progéniture. Si lui s’intéresse à la qualité de l’image tout comme aux dimensions, Louise, 18 ans, a les yeux focalisés sur la télécommande. Son exigence : un bouton Netflix. « Je ne regarde plus les chaînes traditionnelles, confie-t-elle. Et regarder sur un téléphone, une tablette ou même un ordinateur, ce n’est pas la même chose que sur un grand écran. » Bonne surprise pour les deux : la quasi-totalité des modèles qui les intéressent possèdent ce fameux bouton rouge, souvent accompagné d’un autre pour Prime Video, le service d’Amazon. Et même Disney+ pour quelques autres. Au point que la télécommande de la télévision, qu’on annonçait morte, est aujourd’hui au cœur de tous les débats. Ces derniers mois, Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, en a même fait un de ses chevaux de bataille.
« Des accords contractuels »
« Tous les médias publics européens dressent le même constat et accélèrent leurs coopérations, sur le numérique notamment. Car pour émerger, être bien référencé et tout simplement exister, il faut être puissant, indiquait-elle à nos confrères des Échos fin 2021. L’enjeu est similaire sur les télécommandes des télévisions connectées, qui mettent désormais en avant Netflix et consorts. Je plaide par exemple pour une touche de service public sur les télécommandes. » Reste que cette initiative pourrait se révéler beaucoup plus complexe à concrétiser qu’espéré. « Les boutons d’accès passent par des accords contractuels signés avec les plates-formes au niveau mondial, explique Martin Lefébure, responsable marketing et communication de Panasonic France. L’usine asiatique ou européenne va fournir tous les pays de l’Europe, donc il n’est pas possible d’avoir des spécificités locales. Car cela nécessiterait soit des lignes de production industrielle par pays peu rentables, soit des télécommandes à rallonge. » « Ce sont des partenariats de longue date entre les services de vidéo à la demande et les constructeurs, qui concernent le monde entier. C’est pour cela qu’on retrouve parfois Rakuten, hyper populaire dans certains pays mais inconnu en France, sur sa zappette, admet un cador de l’audiovisuel, sous couvert d’anonymat. Dans le milieu, on estime que Netflix paye 1 $ par télécommande. Sauf qu’il y a eu plus de 225 millions d’écrans fabriqués en 2020. Vous voyez France Télévisions, ou même TF 1, verser une telle somme pour un simple bouton ? » questionne-t-il.
Mise en avant des contenus d’intérêt général
Le problème peut néanmoins être rapidement réglé, à en croire la dirigeante de France Télévisions. « Il faut créer un bouton service public », nous avait-elle confié lors d’un entretien réalisé fin mars. Ce que pourrait permettre la directive européenne SMA (Services de médias audiovisuels). Celle-ci prévoit une obligation de mise en avant des contenus d’intérêt général. « Il revient aux régulateurs de chaque pays d’interpréter cette ligne », précise Delphine Ernotte. La Grande-Bretagne, elle, a pris les devants avec une promotion des médias locaux sur les téléviseurs connectés, qu’ils soient publics ou privés. « La fabrication des télécommandes est mutualisée autour des gros acteurs mondiaux du streaming, confirme Marie Legrand, responsable marketing des Smart TV chez Samsung France. Mais c’est un faux débat de se focaliser sur la télécommande, car le plus important reste ce qui s’affiche sur l’écran d’accueil quand vous allumez votre télévision, où les applications d’OCS, MyCanal ou Salto sont souvent préinstallées en France. »
Damien Licata Caruso et Kevin Boucher in Aujourd’hui en France