L’animateur de 42 ans revient avec une version quotidienne et en direct de l’émission « Clique », à partir de 19 h 15 ce lundi sur Canal +. Un nouveau défi pour cet hyperactif au flair aiguisé.
UN MUG « Dragon Ball Z » à la main, une autobiographie du footballeur Basile Boli sur son bureau, une immense télé à ses pieds. Dans ses nouveaux locaux du VIIe arrondissement de Paris, Mouloud Achour est en plein sprint final. Affairé mais « à la cool », l’animateur de Canal + peaufine avec ses équipes le lancement ce lundi d’une nouvelle version de « Clique », une émission désormais programmée en direct toute la semaine à 19 h 15, la case mythique de « Nulle Part ailleurs ». Après avoir tracé sa route avec succès sur le numérique et fait des allers-retours moins suivis sur l’antenne de la chaîne cryptée, le « patron de média » revient avec une promesse simple faite à ses fans : « La clique te dira sur quoi cliquer. » Séries, films, livres, jeux vidéo, tout y passera. « La clique », c’est bien entendu la sienne. Celle que ce solitaire entouré a construite au fil d’une carrière entamée à seulement 17 ans au sein de « Radikal », un journal dédié au rap. Elle s’est ensuite enrichie de ses expériences successives avec le collectif de cinéastes Kourtrajmé, puis à MTV (2004-2005), à la matinale de Canal + (2006-2008), et au « Grand Journal » de Michel Denisot (2008-2013), où il en a profité pour apprendre toutes les ficelles de la production.
Pas de « l’infotainment mais de l’édutainment »
« J’avais déjà envie de monter mon truc à l’époque. Je viens du rap, un milieu avec une forte culture d’indépendance. Je préfère un petit chez moi à un grand chez les autres », justifie celui qui a créé sa société de production en 2013, à 33 ans. Désormais à la tête d’une trentaine de salariés, Mouloud Achour veut transmettre au public ses « kifs » et donner « ses lettres de noblesse à la pop culture ». « On ne veut pas faire de l’infotainment mais de l’édutainment. On veut qu’à la fin, les gens aient appris des choses », explique-t-il au sujet de sa nouvelle émission, espérant rééditer des coups comme l’interview de Tim Cook, le patron d’Apple, en juin dernier. « Mouloud a une culture bien plus riche et variée que beaucoup de gens ne le pensent. Il maîtrise toute la musique et peut vous parler avec passion du manga Naruto comme de Claude Sautet », salue, admiratif, Ali Baddou, son ami depuis l’époque du « Grand Journal ». « Il doit dormir quatre à cinq heures par nuit et est capable de vous dénicher des infos sur une série tirées d’obscurs blogs », raconte un ex-salarié de « Clique ». « C’est un homme caméléon à la curiosité uni[1]que en France. Il m’apporte beaucoup d’informations sur le monde et ses tendances actuelles », abonde Maxime Saada, le patron de Canal +. Une boulimie que ce fan de Mylène Farmer met sur le compte de sa trajectoire personnelle. « J’ai arrêté l’école à 17 ans. La culture n’est pas quelque chose qu’on m’a imposé mais que je me suis créé. » Citant NTM, le natif de Seine-Saint-Denis rappelle que les gens ayant grandi en banlieue sont avant tout des « combattants de l’ennui ». Cette quête permanente est aussi un moyen pour le « mélancolique » d’affronter le temps qui passe. « Être capable de toujours s’émerveiller, ça maintient en vie. C’est ce que j’ai appris de Michel Denisot. » Évoquant un homme « gentil » et « généreux », les personnes qui ont croisé sa route saluent une intelligence particulière. « Je ne connais personne qui réfléchisse comme lui. Il n’y a pas de cloison, tout communique. C’est un défi aux normes ! » s’amuse Ali Baddou. Fred Musa, le Monsieur Rap de Skyrock, salue pour sa part un « mec brillant », quand Ariel Wizman, ex-figure de Canal +, décrit un « esprit visionnaire, notamment sur le numérique ». Plus cash, Roman Frayssinet, humoriste de « Clique », parle d’un « ouf » ayant « toujours un coup d’avance ». Dans ce concert de louanges, peu de voix discordantes. Son style d’interview « conversationnelle » jugé parfois complaisant ? Il met « à l’aise les artistes », qui deviennent « plus loquaces », estime un cadre de l’industrie musicale, soulignant surtout que Mouloud Achour est l’un des seuls à mettre en avant de jeunes talents venus de tous les horizons. « Il est très bon intervieweur quand il n’est pas trop fan », tempère juste Fred Musa, de Skyrock. L’intéressé, lui, assume sa « bienveillance ».
À l’aise au sein d’un groupe chahuté par Bolloré Quand on interroge sa présence au sein d’un groupe chahuté par Vincent Bolloré ces dernières années, il répond par la totale « liberté » dont il jouit. « On ne nous a jamais fait une seule remarque. Dans l’ancien Canal, il y avait des gens que je ne pouvais pas recevoir car ils n’étaient pas jugés assez grand public ; pas dans le nouveau. » Quid de CNews, la très droitière chaîne info de Canal + ? « Il y a autant de dingueries que sur les autres chaînes », estime-t-il, ne voyant pas « la différence » avec BFMTV ou LCI.
Si d’aucuns regrettent de ne pas avoir plus entendu sa voix sur Éric Zemmour pendant la présidentielle, Mouloud Achour assure, lui, ne plus vouloir « rentrer dans ce jeu-là ». « Réagir à la réaction, c’est devenir réactionnaire soi-même », balaye-t-il, renvoyant sur le sujet à son premier film, « les Méchants », sorti avec « sa clique » en septembre 2021. Mouloud Achour en prépare d’ailleurs un autre, « sérieux » et « féminin », pour une plate-forme. En novembre, il dévoilera aussi au cinéma un documentaire réalisé avec son amie Salhia Brakhlia sur les coulisses de la matinale de la radio Franceinfo. Ne manquant jamais de projets, Mouloud Achour vient de publier, via sa maison d’édition, « la Guerre des bouffons », un récit drolatique d’Idir Hocini sur son adolescence à Bondy (Seine-Saint-Denis) dans les années 1990. Celui qui dit « pourquoi pas » à un poste de ministre de la Culture compte aussi sortir bientôt une BD sur… Couscous, le chien qui l’accompagne partout. « Coucou Couscous racontera les aventures d’un chien avec des lunettes de soleil qui traîne en Cadillac sur la West Coast », raconte-t-il en éclatant de rire. Définitivement inclassable.
BENJAMIN MEFFRE in Aujourd’hui en France