jeudi 3 octobre 2024
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Palestine / Rose, étudiante à Aix-Marseille : « Faire front ensemble du bon côté de l’Histoire » !

Face à l’escalade meurtrière en Palestine, des étudiants cherchent à faire bouger leurs universités.  Après l’interdiction de toute action pacifique, des étudiants de la Fac Saint Charles à Marseille organisaient un blocage il y a quelques jours. L’une d’elles nous raconte le traitement qu’ils ont subi et la réponse de la direction à leurs revendications.

Comment et pourquoi avez-vous organisé un blocage de l’université ?

La coordination de la jeunesse du sud pour la Palestine s’est formée suite à la réunion de plusieurs comités d’étudiants déjà actifs depuis novembre dernier. Elle s’est construite par des jeunes motivé-es à réagir face à la censure de l’Université en dépit de la situation à Gaza et en Cisjordanie (dans toute la Palestine) qui ne fait qu’empirer. Devant la fermeture de notre direction, l’impossibilité de visibiliser la situation sur notre campus, d’organiser des événements publics, des conférences, d’installer des tables etc, nous ne voyions que l’occupation pour faire entendre nos revendications. Elles ont été transmises au président de l’Université à la fin de l’Assemblée générale qui a marqué le début de l’occupation. Il s’agit de:

  • Condamner fermement l’attaque génocidaire d’Israël contre la population de Gaza et revendiquer un cessez-le-feu permanent immédiat
  • Condamner la répression des populations colonisées au Kanaky et s’opposer à la loi du dégel du corps électoral
  • Publier la liste de tous les partenariats et liens académiques entre AMU (Aix-Marseille Université) et des universités ou institutions privées israéliennes ; et que les contrats de ces partenariats soient dénoncés et terminés
  • Mettre en place un programme d’accueil d’urgence pour les étudiant-es et les chercheurs-chercheuses et enseignants-enseignantes palestiniens et la mise en place d’une cellule de soutien psychologique
  • Permettre la tenue d’événements et de réunion aux étudiants et étudiantes en rapport avec la Palestine
  • Accorder la liberté de tractage sur tous les campus
  • Abandonner toutes les sanctions prises à l’encontre des étudiants et étudiantes mobilisé-es pour la Palestine y compris suite à une occupation des locaux d’Aix-Marseille Université.

Quelle a été la réponse de l’université?

Sa réponse est arrivée le lendemain à midi, après que les renseignements territoriaux nous aient rendus visite à leur demande pendant la nuit et dans la matinée, ainsi que la responsable de la sûreté et la doyenne de la Faculté de Saint-Charles. Sa réponse était très insatisfaisante puisqu’il ne répondait qu’à une seule de nos revendications – qui est la mise en place de programme d’accueil pour des étudiants et chercheurs palestiniens. Dans sa réponse, il ne s’est pas montré menaçant ni rien qui ne laissait penser qu’une telle intervention policière allait venir nous déloger le soir même. Aucun ultimatum de départ ou proposition d’entretien n’a été proposé par le président.

La réelle réponse de l’administration est arrivée sur le coup de 19 heures, soit moins de 24 heures après le début de l’occupation pacifique en faisant intervenir plus d’une soixantaine de CRS, policiers, agents de la bac, renseignements territoriaux pour évacuer les étudiant-es !

Il s’agit d’une démonstration de force répressive sans précédent contre des étudiant-es dans l’histoire de l’Université à Marseille. La présidence a mis volontairement en danger les étudiant-es, dont trois ont été violentés par les agents de la Bac qui se sont jetés sur eux alors qu’ils gardaient les portes de la salle occupée, une assemblée générale étant en cours à l’intérieur. L’un d’entre eux a été projeté à terre et sa main écrasée. Un autre a été violemment poussé et sa caméra jetée par terre afin qu’il ne puisse pas filmer l’intervention. Les policiers ont récolté les identités de toutes les personnes présentes – en demandant étrangement plus de renseignements aux personnes racisées – et ont procédé à la fouille de tous les étudiant-es.

Et la réaction des enseignants ?

Les enseignants ne se sont mobilisés qu’en faible nombre depuis le début du génocide en octobre. A vrai dire il n’y a eu aucun mouvement sérieux de la part des enseignants, eux également vivant dans le climat de censure imposé à toute l’Université. A l’exception de membres très combatifs et engagés qui soutiennent les étudiants depuis plusieurs mois, comme le collectif Précaires. Ils ont cependant justement réagi le lendemain suivant l’expulsion en convoquant une AG et en se publiant un communiqué dénonçant la répression policière contre les étudiants. Une délégation s’est rendue ensuite au siège de la présidence d’Aix-Marseille Université, à côté du Palais du Pharo pour pousser M. Eric Berton à nous rencontrer. Une entrevue a eu lieu avec deux professeurs et une étudiante membre de la Coordination de la jeunesse du sud pour la Palestine. La présidence a campé sur ses positions et ne reconnait aucunement la gravité d’avoir envoyé plusieurs escadrons de policiers armés contre des étudiants pacifiques.

Vous dénoncez notamment le deux poids deux mesures en terme de solidarité internationale …

De plus les représentants du cabinet de la présidence et M. Berton lui-même nous ont consciemment menti en affirmant n’avoir jamais pris position et exprimé leur soutien à la population ukrainienne face à l’attaque russe, alors que le communiqué est toujours disponible en ligne. Alors que pour les massacres en Palestine le soutien est invisible…

Finalement suite à notre demande insistante qu’un communiqué soit publié et envoyé à tous les membres de l’Université, M. Berton a envoyé hier 29 mai un email à l’ensemble de la communauté universitaire. Cependant il ne mentionne ni la Palestine, ni Gaza, ni les massacres ou le terme génocide qu’il refuse d’employer. Comme il nous l’a souligné lors de l’entretien, il s’agit d’un « avis personnel » de nommer ce qu’il se passe à Gaza un génocide selon lui. On notera donc la différence de ton très clair avec le « message de soutien pour l’Ukraine ».

Par contre, son communiqué souligne à plusieurs fois le danger de la « montées des actes et propos antisémites dans les campus universitaires en France », et le danger « d’importer les conflits au sein de la communauté universitaire ». Il reprend des éléments de langage très clair d’une frange politique qui veut brider le mouvement de solidarité avec la population palestinienne et gazaouie, dont plus de 36 000 personnes ont été tuées par l’armée israélienne.

En réaction, les enseignants continuent à se mobiliser et ont commencé à diffuser de manière des tracts pour dénoncer la répression policière et la restriction des libertés au sein du campus (dont le tractage, qui est interdit par le règlement intérieur).

Cette réponse nous enjoint à continuer d’organiser la jeunesse pour faire entendre la voix des Palestinien-ne-s, et de toutes les populations colonisées, à l’instar des Kanaks qui font preuve aujourd’hui d’une force immense de se dresser contre les politiques coloniales françaises.

La Coordination invite donc toute la jeunesse de Marseille et du sud à la rejoindre pour s’organiser et faire front ensemble du bon côté de l’Histoire.

Comment se passe la fin de votre année d’études, avez-vous des examens à passer dans les prochains jours ?

La plupart d’entre nous ont terminé leurs partiels, mais d’autres sont en pleine rédaction de mémoire de master. Nous sommes plusieurs à être très en retard et avoir de véritable blocage car nous sommes pris par l’urgence et la nécessité de réagir face à la situation. Nous sacrifions tous beaucoup d’heures de travail universitaire pour mener cette lutte, car il est impensable de continuer à vivre notre quotidien et de s’asseoir dans une bibliothèque pendant que nos collègues à Gaza n’ont plus d’université et dont l’existence est menacée à chaque instant.

R. D.