jeudi 18 avril 2024
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Streaming : Disney détrône Netflix et se convertit à la publicité

Le groupe Walt Disney a réussi à imposer sa plate­forme, mais peine à la rendre rentable

Il aura suffi d’à peine trois ans au groupe Walt Disney pour dépasser le maître Netflix. Grâce aux 14,4 millions de nouveaux abonnés gagnés au deuxième trimestre 2022 par sa plate­forme de streaming vidéo Disney+, lancée en novembre 2019, et en comptant ses autres services Hulu et ESPN+, le géant américain des médias recensait 221,1 millions d’utilisateurs payants au début du mois de juillet. C’est 400 000 de plus que son grand rival Netflix. Ce dernier se fait ainsi ravir, pour la première fois, sa couronne mondiale en nombre d’abonnés. Disney+ compte à elle seule 152,1 millions d’utilisateurs payants. Lancée juste avant l’irruption de la pandémie de Covid­19, Disney + a pleinement profité des confinements pour engranger des abonnés à la recherche d’occupation. Afin de les attirer dans ses filets, le groupe américain, outre le fait d’utiliser la renommée mondiale de ses têtes d’affiche Marvel ou Star Wars, n’a pas hésité à réserver en exclusivité à sa plate­forme la sortie de plusieurs de ses longs-­métrages, au détriment des salles de cinéma. Prey, le nouvel opus de sa franchise Predator, est ainsi uniquement visible sur Disney+ depuis le vendredi 5 août. Cette stratégie sert aussi parfois, comme en France, de moyen de pression contre les règles temporelles de diffusion des films : Avalonia, l’étrange voyage (Strange World), le prochain film d’animation de Disney attendu cet automne, ne sortira pas dans les salles de l’Hexagone. Disney bénéficiait aussi aux Etats­-Unis d’un avantage tarifaire par rapport à Netflix : son abonnement mensuel coûtait 2 dollars (1,93 euro) de moins que celui que Netflix, à 7,99 dollars contre 9,99 dollars. Les hausses de tarif imposées en octobre 2021 puis en janvier 2022 par l’ancien numéro un mondial du streaming vidéo ont lourdement joué dans la perte de sa couronne. Netflix a accusé un recul de près d’un million d’abonnés au deuxième trimestre 2022, après une première érosion de 200 000 en début d’année, ce qui ne lui était jamais arrivé auparavant. Cependant, ces deux années et demie d’offensives ont laissé des traces dans les finances de Disney. Rien qu’au deuxième trimestre 2022, les trois plates-­formes de streaming du groupe ont perdu 1,1 milliard de dollars. Elles ont accumulé au total plus de 5 milliards de dollars de pertes depuis fin 2019. Grâce à ses autres activités dans les parcs d’attractions et les chaînes de télévision, le groupe reste dans le vert. Mais il ne pourra pas tenir ce rythme indéfiniment. Il a promis de rendre son service rentable en 2024.

Nouvelles recettes

Pour cela, et à présent qu’il a atteint une base d’abonnés suffisante, Disney va augmenter ses prix, comme Netflix l’a fait. L’abonnement à Disney + coûtera 11 dollars par mois à partir de décembre aux Etats-­Unis. Toutefois, pour ne pas trop effrayer les abonnés potentiels, le groupe proposera dans le même temps une offre d’accès à Disney+ avec publicité pour 7,99 dollars par mois. Cela lui promet de nouvelles recettes : en juillet, Disney avait déclaré avoir vendu pour 9 milliards de dollars de publicités pour la prochaine saison télévisuelle, dont 40 % pour ses offres en ligne. Longtemps réfractaire au modèle publicitaire, Netflix travaille, lui aussi, à une offre avec publicité. Elle doit être lancée en janvier 2023. Cette stratégie qui consiste à contenir la hausse des tarifs en introduisant de la publicité dans les contenus, qui ajoute à la convergence des modèles entre plates-formes et chaînes de télévision, n’a rien pour plaire aux acteurs traditionnels de l’audiovisuel. La prochaine diffusion par Disney+ de Strange World a toutes les chances de séduire les annonceurs et de capter une partie des budgets publicitaires initialement perçus par les chaînes de télévision. TF1 et M6, qui souhaitent voir la publicité en ligne s’ajouter à la publicité télévisée dans la définition de leur marché pertinent, ne manqueront pas d’utiliser l’argument pour défendre leur projet de mariage en cours d’analyse par l’Autorité de la concurrence.

Aude Dassonville et Olivier Pinaud in Le Monde