Le groupe s’est rendu coupable de pratiques anticoncurrentielles pour imposer son moteur de recherche, a déclaré un juge de Washington. Ce verdict aura des conséquences pour Apple, Amazon et pour le secteur de l’IA.
Lundi 5 août, le couperet est tombé pour Google. Un juge de Washington a déclaré le groupe de Mountain View (Californie) coupable de pratiques anticoncurrentielles pour avoir imposé par défaut son moteur de recherche sur de nombreux smartphones et plusieurs navigateurs Internet. Une décision « historique » et un « tournant majeur », qui porte un coup au pouvoir des géants de la tech et pourrait fondamentalement « modifier leur façon de faire des affaires », selon The New York Times.
« Google est un monopole et a bel et bien agi comme tel pour maintenir son monopole », écrit notamment le juge Amit Mehta dans ses conclusions, au terme d’un procès de neuf semaines qui a vu défiler à la barre des figures du secteur, dont le directeur général de Microsoft, Satya Nadella, et les dirigeants d’Apple, John Giannandrea et Eduardo Cue.
Ce document de 286 pages constitue « l’analyse la plus complète » des activités de Google, selon le site du magazine Wired. Il y est notamment établi que l’entreprise a accaparé « environ 90 % du marché de la recherche en ligne » grâce à un partenariat noué avec Apple « afin de devenir le moteur de recherche par défaut de son navigateur Safari », ainsi qu’à des « accords similaires avec des fabricants de téléphones portables et des opéra- teurs mobiles tels que Samsung et Verizon », résume Politico.
Des partenariats décrochés moyennant plus de 26 milliards de dollars pour la seule année 2021. Car « Google a partagé ses revenus avec ses partenaires », Apple ayant bénéficié de la plus grande partie du pactole. Ces contrats illégaux « ont entravé la capacité des concurrents de Google à rivaliser avec lui et ont privé les consommateurs des avantages de services innovants et de haute qualité que seule la concurrence peut favoriser », a plaidé le ministère de la Justice américain.
Le juge Mehta lui a donné raison en établissant notamment que la perspective de perdre les dizaines de milliards de dollars de revenus garantis « a dissuadé Apple de lancer son propre moteur de recherche », alors que le géant à la pomme « avait par ailleurs développé la capacité de le faire ».
En matière de procédures antitrust, Google en est donc désormais à 0 à 2, constate Wired. En effet, en 2023, un tribunal fédéral de San Francisco avait jugé que la boutique d’applications Google Play constituait aussi un monopole illégal, rappelle le magazine. Reste à déterminer les sanctions auxquelles l’entreprise devra faire face. Ce sera l’objet d’une procédure distincte, précise CNN. Mais la décision du juge Mehta va bouleverser la manière dont Google met son moteur de recherche à la disposition des utilisateurs. Au minimum, le tribunal pourrait l’obliger à mettre en place un « écran de sélection » permettant aux utilisateurs d’être informés de l’existence d’autres moteurs de recherche, explique Rebecca Allensworth, professeure de droit à l’université Vanderbilt.
Google risque aussi une amende, même si les amendes ne représentent qu’« une goutte d’eau dans l’océan pour une entreprise aussi rentable ». Les autorités antitrust américaines n’ont pas exclu la possibilité d’un démantèlement de l’entreprise, au prétexte que ses pratiques menacent l’innovation.
Mais ce jugement n’affectera pas seulement les utilisateurs du moteur de recherche. « Les juristes s’attendent à ce que cette décision influe sur les poursuites engagées par le gouvernement américain contre d’autres géants de la technologie », souligne The New York Times. La Federal Trade Commission (FTC) et le ministère de la Justice ont intenté une action contre Apple, l’accusant de rendre difficile pour les consommateurs de se passer de leur iPhone. La FTC poursuit par ailleurs Meta ainsi qu’Amazon pour avoir mis en œuvre des « stratégies anticoncurrentielles et déloyales ». Selon Florian Ederer, économiste à l’université de Boston, la décision du juge Mehta montre que les lois antitrust instaurées il y a plus de cent ans « peuvent encore aujourd’hui se révéler efficaces ».
Moment crucial
Des experts ont aussi souligné que le mono-pole de Google en matière de recherches en ligne était sur le point de lui assurer une position dominante dans le domaine en plein boom de l’intelligence artificielle (IA). « L’énorme quantité de données de recherche collectées par Google via ses accords par défaut peut l’aider à former ses modèles d’IA pour qu’ils soient meilleurs que ceux des autres », a fait valoir le PDG de Microsoft lors du procès. Si Google perd la faculté de conclure de tels accords, « cela pourrait nuire au produit phare de l’entreprise à un moment crucial », souligne Evelyn Mitchell-Wolf, analyste chez Emarketer.
Les avocats de Google ont fait savoir que l’entreprise allait faire appel, « ce qui signifie qu’il faudra peut-être des mois, voire des années, avant que les conséquences de cette décision de justice se fassent sentir », avertit CNN. Mais, aussitôt le verdict connu, les actions de sa maison mère, Alphabet, ont clôturé en baisse de 4,6 % à Wall Street, rapporte le Financial Times.
C. I.