jeudi 3 octobre 2024
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Territoires palestiniens : à l’hôpital de Naplouse, au chevet de Youssef, 11 ans, blessé par balles

Israël et des groupes armés palestiniens de la bande de Gaza se sont affrontés jeudi en tirant des roquettes et des missiles au lendemain de l’incursion militaire israélienne à Naplouse, la plus meurtrière en Cisjordanie occupée depuis 2005.

De son lit d’hôpital, dans l’unité de soins intensifs, Yousef Haj Dawoud, 11 ans, ne peut pas bouger. Allongé sur le côté, une couverture sur son petit corps, il grimace de douleur, a les yeux fermés.

Sa mère à côté est encore sous le choc. Elle raconte : « Lorsque l’armée israélienne a envahi la vieille ville, il venait de se réveiller et il était juste parti acheter des muajanat, des pâtisseries locales, en bas de chez nous. Il a voulu rentrer à la maison, mais il n’a pas pu. C’est à ce moment qu’il s’est fait tirer dessus par les soldats. »

Yousef prend une première balle dans l’abdomen, qui blesse son foie et son intestin, une autre dans la jambe et dans le bras. « Le type de blessure qu’a mon fils montre que les soldats voulaient tuer quiconque était dans la rue. Les balles sont dans le ventre, dans le foie, l’abdomen, le haut du corps. C’est insensé. En quoi un enfant peut être une menace face à ces forces d’occupation israéliennes ? Ce n’est qu’un enfant ! »

Les forces israéliennes ont tué mercredi 11 Palestiniens parmi lesquels un adolescent de 16 ans. Et, comme Yousef, une centaine d’entre eux ont été blessés, 45 ont été admis dans cet hôpital de la ville, 9 seulement était dans un état stable. « C’était de la médecine de guerre », explique Basil Aklik, chef des urgences de Rafidia, encore sur le pont ce jour. « Je suis très stressé et anxieux de tout le travail qu’on a à cause de qui s’est passé. Physiquement, mais aussi émotionnellement, psychologiquement, nous sommes tous épuisés. La plupart des personnes qui sont arrivées ici sont des enfants, des femmes, des personnes âgées… des civils ! » « Il faut que cette occupation et ces crimes cessent » ajoute-t-il, avant d’en appeler à la communauté internationale.

Ces violences de mercredi à Naplouse ont été suivies dans la nuit par des tirs de roquettes depuis la bande de Gaza vers Israël, suivies par des frappes aériennes israéliennes sur ce territoire sous contrôle du mouvement islamiste palestinien Hamas depuis 2007.

Une maison effondrée, des rêves brisés

Cette « opération » de l’armée – « invasion » selon les Palestiniens -, menée en pleine journée, dans la vieille ville, le coeur historique et le marché, a fait onze morts et au moins 102 blessés à balles réelles, selon le ministère palestinien de la Santé.

Dans la vieille ville, le centre historique, là où a eu lieu l’essentiel des combats, une petite poignée d’habitants se rejoignaient et venaient constater l’étendue des dégâts.

De cette maison au coeur historique de Naplouse, il reste les murs porteurs, mais il n’y a plus de toit. Au sol, des décombres, un amas de pierre blanche, des barres de fers, comme si un séisme était passé par là.

C’est là où s’étaient retranchées trois des combattants palestiniens visés par l’armée israélienne lors du raid, raconte un jeune habitant de la vielle ville qui souhaite rester anonyme. « Les soldats ont ciblé cette maison de manière extrêmement sauvage en utilisant tout ce qu’ils avaient : des balles dans tous les sens, des drones, puis des missiles incendiaires. Le bâtiment s’est littéralement effondré sur les combattants palestiniens. Ce qu’il faut savoir aussi, c’est que cette maison, dans laquelle nous sommes, elle datait de l’époque romaine, elle faisait partie du patrimoine de la vieille ville. Et on voit comment l’occupation cible en permanence les bâtiments classés. Tout ce qui fait partie de notre histoire, de notre culture et qui atteste de notre présence ici. 

Par curiosité ou en hommage, nombreux sont les habitants de Naplouse qui viennent voir, prennent des photos, se recueillent. À l’intérieur de la maison, une porte en fer est criblée d’impacts de balles, un frigo entrouvert, des matelas éventrés par les décombres. De l’extérieur, la vue sur la mosquée est imprenable. C’est de là que tiraient des soldats qui s’étaient infiltrés clandestinement dans la vieille ville. « Et là, au sol, on peut voir le sang d’un des martyrs. »

Mais le sentiment dominant, à Naplouse, en plus du deuil et de la colère, c’est la lassitude : « Les jeunes d’ici ne peuvent même plus rêver des choses simples : avoir une maison, fonder une famille… Tous ces rêves, l’occupation peut les briser en quelques secondes » conclut un autre habitant.

A. F.