vendredi 29 mars 2024
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« L’horlogerie fine » du retrait de l’opération « Barkhane » du Mali

La gigantesque opération logistique, dont la plus grande part sera effectuée d’ici à la fin de l’été, ne serait achevée qu’en 2023

Depuis l’annonce du retrait officiel du Mali, faite par le président de la République, le 17 février, et malgré le déclenchement de la guerre en Ukraine, sept jours plus tard, l’armée française demeure très accaparée par la manœuvre logistique que représente la transformation du dispositif au Sahel. Alors que le départ du dernier soldat français du Mali est toujours planifié pour la fin de l’été, le rapatriement complet des tonnes de matériels de l’opération « Barkhane » représente un effort qui pourrait s’échelonner jusqu’au premier trimestre 2023. « C’est de l’horlogerie fine », ont observé, mardi 5 juillet, des sources militaires détaillant l’ampleur de cette manœuvre. En six mois, plus de 50 % du matériel employé par « Barkhane », ces dernières années, a été sorti du Mali. Soit plus de 3 300 parmi les quelque 5 700 conteneurs d’une taille de 20 pieds que les armées estiment devoir rapatrier en France au total. Ce volume est issu des cinq bases déjà rendues par la France aux forces armées maliennes depuis octobre 2021. Soit Kidal, Tessalit, Tombouctou, qui ont été évacuées fin 2021, Gossi, en avril, et Ménaka, le 13 juin. Il reste cependant près de 2 500 conteneurs à évacuer du Mali. En particulier tous les équipements dont la France dispose sur sa base de Gao, dans l’est du pays. Une emprise qui était devenue la plus grande base française d’Afrique, en matière d’effectifs. « A Gao, c’est une véritable ville que l’on est en train de démonter », commente un officier. L’emprise de Gao représente à elle seule l’équivalent de 3 100 conteneurs, tandis que toutes les bases évacuées jusqu’à présent constituent de 100 à 800 conteneurs chacune. Depuis le début du retrait français, une partie de ce matériel est évacuée par les airs, notamment les équipements sensibles comme les armes ou les munitions. Les armées disposent de plusieurs A330 MRTT et A400M. Elles louent aussi cinq Antonov auprès de la société ukrainienne du même nom, partenaire régulier de ce type d’opération. L’usine principale de la société a été bombardée au début de la guerre en Ukraine, mais a pu relocaliser une partie de sa flotte à Leipzig, en Allemagne. Les Etats-Unis et d’autres pays européens contribuent aussi à ces ponts aériens, en mettant à disposition leurs appareils de transport militaire, dont certains sont loués auprès de sociétés privées. Une bonne part du matériel est toutefois évacuée par voie terrestre. Ce qui nécessite l’organisation de longs convois pouvant être amenés à rouler, selon la destination, durant cinq à dix jours sur des routes peu sécurisées. Un convoi représente en moyenne 70 véhicules et transporte l’équivalent de 140 conteneurs. Les convois les plus sensibles sont escortés par les militaires de « Barkhane », les autres sont délégués aux forces armées locales. Avant de quitter le continent africain, les conteneurs transitent notamment par le Niger, où la France gardera à l’avenir sa principale base au Sahel avec environ 1 000 hommes. La base de Niamey et la périphérie de la capitale nigérienne servent ainsi aujourd’hui de « sas » de stockage. Des convois rallient ensuite différents ports africains : Cotonou, au Bénin, Lomé, au Togo, ou encore Abidjan, en Côte d’Ivoire, où les capacités de stockage sont présentées comme les plus importantes. « L’idée, c’est de diversifier au maximum nos itinéraires », précisent les mêmes sources militaires.

Pénurie de carburant

Le calendrier de désengagement affiché par l’armée française pourrait toutefois être rallongé en fonction d’un certain nombre de « freins » apparus ces derniers mois. A commencer par la pénurie de carburants, liée à la guerre en Ukraine, qui touche toute l’Afrique. Les armées louent par ailleurs de nombreux camions à des sociétés privées, notamment à Bolloré et à Daher. Mais certains véhicules appartenant à des entreprises de plus petite taille sont parfois dans un état incertain. Chose délicate, alors que la saison des pluies commence. Reste « l’acceptabilité » variable du passage des convois dans certains territoires. En novembre 2021, un simple convoi de ravitaillement ralliant la Côte d’Ivoire au Mali, en passant par le Burkina Faso et le Niger, avait été entravé à plusieurs reprises le long du parcours par des manifestations hostiles, en partie encouragées par les autorités locales. Au Niger, trois personnes avaient même été tuées dans des circonstances demeurées floues, après que les militaires français avaient effectué des tirs au sol pour se désengager.

Elise Vincent in Le Monde